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Théorie | Sommes-nous redevance ?

Redevance.

On croit toujours qu’on doit les choses aux gens.

C’est peut-être un contrat signé au scalpel sur le cordon ombilical. Car au fond, tout est affaire, dans nos caractères, jusque dans nos inconscients, une affaire systémique.

Je dois la vie à mes parents. Je dois mon bonheur à mon compagnon. Je dois des explications. Je dois à l’état le toit au dessus de ma tête. Je dois à mon patron mon travail. Je dois à ce bon vieux gouvernement qui marche si bien les balles que je ne reçois pas. Je me dois à moi-même de faire les choix qui sont les mieux admis.

Tout le monde peut dire ce qu’il veut de la dernière. On pense tous inconsciemment comme ça, pourquoi?

C’est triste.

Une pression sociale. Invisible, encrée, qui s’ajoute aux unes et aux autres.

Je suis redevance.

Tu es redevance.

je dois faire ci et ça. Le devoir.

Ou la finalité.

Le but.

Illusoire qu’un corps de sang et d’os se construit comme on construit la redevance dans l’animus même du bébé avant même sa conception. Une prédestinée. Il est moulé. Le même moule à chaque bébé qui naît.

Et la fumée de la cigarette ne retourne jamais dans la cigarette, il disait le sorcier perdu entre les choix inchoisissables. Oui. Principe d’inertie.

Une fois le chaos provoqué, l’ordre ne peut pas revenir. Une fois la redevance implantée dans le cerveau chetif, elle ne part pas. Inertie. Un cancer. Qui grandit avec l’âge.

Des dizaines et des dizaines d’années pour qu’un arbre obtienne d’aussi longues branches fournies en bourgeons.

Un, deux, trois, milles et un bébés qui n’ont jamais demandé à naître et qui auront du mal à fleurir. Du mal à se détacher de l’arbre. Et personne ne les aidera. Ils n’ont jamais demandé à vivre, à devoir.

Pense la vie comme une minute. Devoir, jusqu’à la soixantième seconde. Depuis le premier tic tac, depuis la sonnerie du réveil qui a fait sursauté papa et maman passé la minute.

Je suis redevance.

Papa et maman. Ils sont redevance. Le monde s’en fou. Cosmos ou la création de ceux qui, laissant pousser l’arbre presque mort, donner naissance à des bourgeons cramés de l’intérieur, ont inventé, que dis-je, fait d’une nécessité, la redevance.

Peur, mépris, guerre, pouvoir, amour, trahison, devoir.

Kant avait fait le parallèle avec la notion de mauvaise fois, c’est un principe vieux. Mais ça rejoignait assez Sartre et son “l’existence précède l’essence” , la seule phrase tiré d’un livre qu’on a fait semblant de lire. On doit avant d’être. Redevoir car ce qu’on doit et si on accompli la redevance fait de nous ce que nous sommes.

Quelqu’un de mal ou de bien.

La notion de grisaille est absente de cette pensée. Surtout à notre époque. Nos actes nous définissent-ils vraiment?

C’est atrocement vrai à notre époque.

La fumée infiltre encore les poumons, cancers ambulants.

Bourgeons qui crèvent mais bourgeons qui se laissent brûler au soleil. Solution de facilité, mais tragiquement contestataire.

Inertie.

Et fumée ne resort jamais des poumons.

Encre ne repart jamais dans crayon.

Maux ne resortent jamais du cœur.

Redevance. Un bien joli mot pour pas grand chose.

On écrit vraiment des trucs à la con des fois. Mais bon, quand les yeux s’ouvrent ils sont durs à refermer. Sauf à la soixantième seconde quand il est déjà trop tard pour tout coucher sur papier.

Vaut mieux écrire des trucs à la con du coup.

 

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