Gare de Bordeaux. 17H15. À peine sorti du bus, les bruits des valises sur le bitume résonnent. Il aura fallu esquiver un banc de pigeons et voyageurs pressés pour atteindre l’entre de Saint Jean.
Une porte grande ouverte sur le premier hall et déjà une trentaine d’yeux fixant à s’en rompre la rétine le panneau d’affichage des entrées en gare.Le calme avant la tempête.
Ce n’était qu’une petite partie des errants de ce milieu déambulatoire. Magasins, stand pour acheter sa petite lecture à usage unique, la senteur alléchante et grasse d’un petit en-cas à 15euros90 au Mcdo… Les halls frétillent de gens comme dans une fourmilière, se poussant aux guichets automatiques pour obtenir leurs billets retours. Le son du piano, comme il y en a dans chaque gare, couvrait presque les voix, des voix qui au fur et à mesure se perdent et s’entrechoquent entre elles, ne laissant qu’un brouhaha qui en devient presque…silencieux.
Voie 1.
Je reste face aux tableau d’affichage de la première voie, celle qui mène aux autres par ses escaliers étroits dans lesquels on pourrait aisément perdre une pauvre petite vieille parmi les familles et les travailleurs à la bourre. Sur cette voie 1, j’observais des ados qui discutaient, adossés aux lampadaires. «Les toilettes sont payantes.», «je vais me pisser dessus!!», l’une se balance d’avant en arrière sous le regard de son ami, un jeune homme aux yeux fuyants, dos courbé, lassitude dans l’œil. Il n’arrête pas de regarder l’heure, oscillant tantôt vers son amie puis vers les passants, il triturait la lanière de son sac. Puis une flamme a jailli à ses yeux. Ils ont pris en vitesse leurs affaires et ont foncé vers les escaliers. La foule s’agite, imitant le jeune homme pressé, s’activant dans les souterrains sans bien faire attention où marcher.
Départ
Voie 12. Leur train entre en gare. Nous sommes rejoint par une horde de passagers de tous les côtés, guettant quel endroit sur la voie leur permettrait de monter au meilleur wagon. «Sarah! Viens ici!», la mère perd sa fille des yeux tant de corps gesticulent et transpirent, sa voix se fond dans le tout, dans ce bruit qui en devient naturel. Le papier qui se froisse, la clope qui s’allume, les rails qui grincent, milles et une voix et cette constante insécurité qui ronge notre ami du lampadaire. L’ado s’est pris quelques voyageurs en montant, la voix résonne dans toute la gare : « TER 853 va partir » et s’était fini.
L’accalmie. Ou le semblant d’accalmie. L’animation de la voix a cessée et les oreilles arrêtent un instant de siffler, on se rend compte que depuis tout à l’heure on entendait plus vraiment sauf un son flouté par la multitude de bruits.
Le cœur décélère.
Jusqu’au prochain train.