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Nouvelle Science-Fiction | THE/RAPIST (partie 1)

PARTIE 1

Que feriez-vous si vous vous rendiez compte du jour au lendemain que la vie n’était qu’une pure blague, qu’elle n’était que pure fatalité, si votre vie se résumait à déambuler dans le vide de nos rues, comme un zombie, dont les saveurs de nos plats, la senteur de nos fleurs ne faisaient plus qu’un effet de cendre dans la bouche et une puanteur dans le nez ? Si le sens avait quitté vos esprits, si le but de la vie s’avérait en réalité ne pas exister ?

J’étais heureux avant, j’avais une copine, des projets, une famille, j’avais tout. Un grand appartement, je passais un diplôme en psychologie cognitive. Les choses de la vie font que tout cela ne dure pas. Pour moi, ça n’a pas même duré vingt-trois ans.

C’est mon amie Mona qui m’en a parlé. Elle est venue me trouver dans mon studio de 17m2, une brochure à la main. Elle avait ouvert mes stores depuis longtemps restés fermés. J’avais plissé les yeux, sentant ma pupille se dilater au contacte du soleil qui ne m’était maintenant plus familier.

_C’est quoi ça ? Avais-je dit, un gâteau dans la bouche.

_Therapist !

_Et c’est quoi ?

_Appelle-les et tu verras ! Ça va te sortir de ta dépression !

Therapist avait installé des centres dans quatre villes françaises, Lyon, Paris, Nice, Bordeaux. Par chance j’habitais à Gradignan. J’ai eu un rendez-vous dès le lendemain matin. Entre temps j’ai rallumé ma télévision, et constatait après neuf mois d’isolation l’ampleur du phénomène. La population en surmenage, la dépression collective, le mal-être, beaucoup de personnes avaient perdus foi, et eux, avaient apparemment la solution. J’étais une femme enceinte et Therapist une puéricultrice.

J’ai hésité à y aller, ne croyant pas un moment guérir de la peine, mais j’y suis allé, par ennui peut-être, ou par curiosité.

Je suis donc arrivé au centre bordelais, une hôtesse m’a accueilli , un large sourire aux lèvres, bien habillée, dans un hall digne d’un aéroport. Je faisais tâche.

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_Bienvenue à Therapist, institution spécialisée en psychologie, pour le bien-être de nos patients ! Nous sommes heureux de vous accueillir dans le premier centre français du label Américain ! Votre nom, monsieur?

_Hum, Victor Dauville.

_Ah oui, monsieur Dauville ! Le Docteur Nasilnik va vous recevoir, veuillez bien patienter dans notre salle d’attente.

Immense, vous n’avez jamais vu une salle d’attente aussi grande, vous n’avez jamais vu une salle d’attente aussi remplie.

Après trois heures à enchaîner contractions et exercices de respirations, on m’appelle enfin et on me fait entrer dans un cabinet démesurément petit par rapport au hall. Un médecin avec une grosse barbe me serra la main.

_Bonjour Monsieur Dauville, je suis le Docteur Nasilnik.

J’observais instinctivement les diplômes accrochés aux murs.

_Alors, connaissez-vous…

« Quelque chose sur le mur… »

_Monsieur Dauville ?

_Oui ! Excusez-moi , je regardais juste vos tableaux.

Le médecin avait noté quelque chose sur son ordinateur.

_Je disais, connaissez-vous vous nos programmes de réhabilitation ?

Je fis non de la tête.

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_Therapist offre plusieurs programmes de réhabilitation, les personnes en souffrance mentale sont trop souvent délaissées et mal soignées, elles ont besoin d’un meilleur soutien et de meilleures thérapies, moins longues, moins coûteuses, et qui soignent à long terme ; les gens ont besoin d’une société axée sur leur bien-être, qui sache les écouter et les aider, et la société a besoin de personnes saines d’esprit. C’est pourquoi, Therapist existe. Avez-vous un dossier médical attestant de votre statut psychologique ?

_J’ai été suivi pendant une psychothérapeute pendant trois mois, madame Brass, j’ai pris plusieurs médicaments après ça, mais c’est tout.

_Je vais récupéré ce dossier, afin de vous assurer un suivi des plus personnalisé. Voilà comment ça va se passer, nous allons faire un test ensemble pour vous évaluer, puis nous commencerons les séances de thérapie. Généralement il faut seulement trois séances aux patients impatients pour être soignés.

Trois séances, imaginez-vous, au maximum cela pourrait durer trois mois, trois séances et tout est fini, tout rentre dans l’ordre.

_Donc si vous êtes d’accord, il faudra apporter lors de votre première séance les éléments demandés sur la brochure qui se trouve à votre gauche, et régler en avance trois séances, c’est notre minimum de séances autorisées.

_Combien ça va coûter ?

_Et bien, aucune assurance ne peut rembourser ce type de thérapie pour le moment, vous paierez donc plein tarif.

_Alors ?

_Et bien cela dépend du programme que vous choisissez, le premium ou le basique. Le basique dure un an environ, il est moins intensif et vous ne serez pas prioritaire sur nos listes de séances. Le premium dure environ trois semaines, vous avez le droit à tout ce que vous voulez, médication, suivi quotidien, séances moitié prix en plus de vos trois séances prescrites, et vous bénéficierez d’une réduction sur la seconde séance.

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_Combien ?

_9000 euros.

_Je vais prendre le basique.

_C’est le basique.

_Pardon ?

_16000 euros pour le premium, dit alors le docteur.

_Le basique, avais-je répondu vivement.

_Monsieur, le basique n’est pas le plus conseillé, si vous avez de l’argent le premium reste la solution la plus rapide et la plus sécurisée, un suivi permanent et des séances bien-être, pensez aussi aux gens les plus démunis, vous prendriez la place à quelqu’un qui en a besoin.

J’avais de l’argent, je ne travaillais pas mais mes parents m’envoyaient une pension tout les mois, pour ma réussite, ou pour que je ne les oublie pas.

La réflexion n’a pas été aussi lente, en réalité je n’ai pas réfléchi du tout, étrangement.

_Va pour le premium alors.

Qu’est-ce qui m’a pris ?

L’expérience Therapist disait que les patients revenant de l’avenir avaient tous changés. Elle avait bien raison.

Je ne connaissais pas le concept avant ma première séance. Je payais 16000 avant même de passer le test et débuter la thérapie, et pourtant j’étais presque content de les payer, 16000 euros contre une nouvelle vie, une vie heureuse, qu’est-ce que c’est ?

Même la perspective de me faire soigner avait réussi à me faire sourire. Ma nature réticente n’agissait plus, et je fonçais droit vers l’inconnu, que ce soit une porte ouverte ou un mur.

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_Prêt monsieur Dauville ?

Avec des électrodes sur les tempes, on a un peu de mal à bouger.

_Nous allons commencé le test puis nous passerons directement à votre première séance, l’attente entre les deux durera une heure, le temps de situer votre profil et de configurer le système Therapist.

Le système. C’est là que j’ai compris. A l’aube de l’apogée de notre bon vieux XXIème siècle, la machine restait la meilleure, surpassant les hommes en rapidité, écrasant les humains même dans le domaine de la médecine. Soigner en masse. Tant que le résultat était là, la manière et la motivation étaient-elles réellement importantes ?

_J’enclenche la machine, fermez les yeux s’il vous plais.

Je voyais du noir en face de moi, juste une voix, je n’arrivais plus à ouvrir les yeux, comme collés.

_Je vais énoncer plusieurs mots, Monsieur Dauville, vous devais ne penser qu’à une chose, de façon claire, la première chose qui vous viens.

« Penser ? »

_Exactement, Monsieur Dauville.

« Je n’arrive pas à bouger les lèvres »

_Couleur ?

«Heu… Jaune »

_N’hésitez pas. Voiture ?

« Avion »

_Pouvoir ?

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« Direction »

_Travail ?

« Recherche »

_Famille ?

« Mère »

_Amour ?

« Mort »

_Ça c’est curieux.

« Quoi ? »

_Lune ?

« Rousse »

_Souffrance ?

« Dos »

_Avenir ?

« … »

_Monsieur Dauville ?

« … »

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_Monsieur ?

« Désolé je ne sais pas »

Et je ne savais pas.

Je sentis alors mes lèvres se remettre à bouger et mes tempes se désencombrer.

_C’est fini Monsieur Dauville.

Je revu le visage du docteur Nasilnik et de son assistante.

_C’est tout ? Puis-je balbutier.

Je devais avoir une tête de junkie.

J’étais prêt pour ma première séance Therapist, on m’a installé dans un siège et couvert d’un drap chirurgical. Une grosse machine derrière le crâne. Nasilnik me jeta un coup d’œil avant de sortir en disant « Bon voyage ! ».

Je n’ai pas compris.

Croyez le ou non, mais d’un seul coup, devant moi tout est devenu flou, et je me suis retrouvé projeté dans un endroit complètement inconnu. Je n’étais plus dans une pièce mais dans une ville. Plein de passants, plein de gens, le soir., je détestais ça.

Tous autour de moi, ils parlaient tous anglais !

« Sortez-moi de là »

Trop de lumières, trop de gens, et si je n’arrivais pas à rentrer chez moi ? Je pensais que c’était un rêve mais même en me pinçant ça n’y faisait rien. Je sais que vous ne me croyez pas, et pourtant c’est vrai, j’ai littéralement atterri autre part, comme téléporté. Tout était lointain, imprécis, c’était

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un rêve ou une hallucination, mais avec les même propriété que dans la vie réelle. Je me suis frappé tout seul, et j’ai saigné, quel rêve fait ça ?

J’ai arrêté un passant en l’accrochant avec le bras, en tournant en rond comme quelqu’un de perdu, et je l’étais.

_Désolé ! Ai-je crié.

Il a dû croire que je l’agressais, il m’a regardé avec un drôle d’air et il est parti.

Je me suis calmé et j’ai arrêté quelqu’un d’autre, cette fois en faisant attention.

_Bonjour, excusez-moi mais je suis perdu, où sommes nous ?

Il me répondit en anglais :

_Soho.

_Soho ?

_Londres.

« Sortez-moi de là »

« A Londres, mais comment est-ce possible ? Il y a même pas dix minutes j’étais allongé dans un siège avec une machine autour du crâne ! »

Je tournais les yeux, partout, pour trouver une échappatoire, quelque chose, une réponse, n’importe quoi. Comme un fou. J’étais peut-être. Fou.

« Un téléphone, il faut que je trouve un téléphone ! »

Je n’avais bien sûr pas le mien sur moi, j’ai donc du improviser. J’ai d’abord cherché un endroit plus calme.

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Je marchais comme un dératé, mais j’ai finalement pu trouvé une rue plus calme. J’ai marché jusqu’à trouvé une bande de filles près d’un bar.

_Excusez-moi, l’une d’entre vous aurait un téléphone à me prêter ? C’est urgent.

_Tu peux avoir ce que tu veux, c’est toi le boss, dit l’une d’entre elles.

_Hein ?

_C’est toi le boss.

Je n’ai pas posé plus de questions, et j’ai saisi son téléphone.

« Mona »

Je composais le numéro.

« BIIIIIIIIIIIIIIIP »

Le son m’a décollé le tympan.

J’ai tapé à nouveau le numéro.

« BIIIIIIIIIIIIIIIIIIIP »

« Que se passe-t-il ? »

_Hey ! Ai-je lancé à la fille. J’arrive pas à joindre mon amie, ton téléphone fait des bips assourdissants !

_Ça veut dire que le numéro n’est plus attribué, banane !

_Plus attribué ? Mais c’est pas possible je l’ai vue la semaine dernière !

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_Aller rend moi mon téléphone Vic !

_Hey ! Comment tu connais mon nom ?

Elle semblait surprise.

_Enfin Vic, s’il te plais !

_Non, vraiment !

_T’es le patron ici !

_Le patron ?

_Du Liberté, dit-elle avec un accent.

Elle me lança un coup de hanche avec un regard enjôleur.

« C’est quoi ça, qu’es-ce qui m’arrive ? »

_Je suis désolé mais je ne comprend rien, je vis en France, et j’ai atterri ici…

_En France ?

_Oui, je suivais un programme de réhabilitation pour malades mentaux et maintenant je suis là, j’y étais encore il y a quelques minutes !

Elle semblait effrayée, elle posa une main sur mon épaule.

_Oh chéri, ça fait quatorze ans que tu as quitté la France, après avoir perdu… Désolée.

_Quator… quoi ?

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Tout est alors redevenu flou, l’image tournait. Je me suis réveillé,à nouveau dans le même siège, dans les locaux de…Therapist.

_Bienvenu dans le présent, Monsieur Dauville, comment s’est passé votre escapade dans l’avenir ?

_L’avenir… ?

_Vous avez passé exactement deux heures dans votre futur.

_Deux heures ?

_Le ressentit fait moins.

_Le futur vous avez dit ?

Le docteur Nasilnik enleva la machine de mon crâne.

_Oui précisément, Therapist est une thérapie qui fonctionne à partir de votre propre cerveau, il vous bascule dans un rêve éveillé que Therapist aura généré en activant certaines zones dans le cortex frontal et l’’hypocampe. Cette séance, qu’on appelle la séance première, « Aver », vous montre votre propre avenir, votre avenir si vous resté dans votre état actuel.

_C’est contrôlable?

Il nota quelque chose sur une feuille.

_Non.

_Et en quoi ça va me guérir ça ?

_Ça vous guérira.

Je suis simplement reparti, déçu d’une certaine façon, je ne voyais aucun changement. Et la prochaine séance aurait lieu dans une semaine.

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