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Nouvelle Science-Fiction | THE/RAPIST (partie 2)

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Partie 2

La semaine fut comme les autres, vide, rien à faire, j’ai seulement vu Mona pour lui raconter ce qui m’était arrivé à Therapist, elle n’en revenait pas.

_Tu as vu ton avenir ? Tu es allé dans le futur !? Mais c’est incroyable ! De quoi j’avais l’air ?

_Je ne t’ai pas vu Mona, j’ai essayé de t’appeler mais ton numéro n’existait plus.

_Tu avais quel âge ?

_Je sais pas Mona, presque quarante ans je dirais.

Elle ri.

_J’étais un patron de bar en Angleterre.

_C’est génial ça !

_Non, je déteste les bars, je déteste les gens, je ne veux absolument pas travailler la dedans.

_Mais, c’est ton projet de partir en Angleterre, tu as décidé ça après que… Désolé.

_Oui, c’est vrai, j’avais prévu de partir dans deux mois avec mes économies, histoire de juste… partir. Mais… je sais pas.

_Quoi ?

_Je ne veux pas finir comme ça.

Elle s’est tu.

L’avenir ne ment pas.

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La semaine suivante, j’expliquais au Docteur Nazilnik que ce voyage vers l’avenir m’avais perturbé.

_L’Angleterre ?

_J’ai rendu mon billet d’avion.

_Pourquoi ?

_Je veux une vie stable.

_Où ça ?

_Là où je pourrais soigner des gens.

_Et comment ?

_Je veux reprendre mes études.

_Bien.

Nasilnik fit passer une lumière devant mes yeux.

_Vous êtes sorti ?

_Oui, avec Mona, Mercredi, on a bu un café.

_Bien. Vos études ?

_Pour soigner des gens il faut être stable soi-même. Je vais me soigner ici et étudier la psychologie cognitive. Déménager ne m’aidera pas, ça ne fera qu’empirer les choses et je deviendrais un barman sans argent. Je ne ferai que…

_Fuir ?

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_Oui.

Le docteur m’emmena en suite dans une nouvelle salle, toujours Therapist, cette fois il y avait plusieurs machines. Et… quatre autres personnes.

Nous nous installâmes chacun dans un siège.

_Installez-vous, vous allez débuter votre seconde séance.

_Pourquoi sommes-nous plusieurs? demanda un garçon plus jeune que moi.

_Parce que cette séance s’effectue groupée, c’est la procédure. C’est une séance clés.

Nasilnik enclencha chaque machine Therapist.

_Vous êtes tous allé dans l’avenir, votre avenir, et vous en êtes tous revenu. Vous avez appris, appris sur votre destinée, sur vous même, vous avez donc maintenant toutes les clés pour changer.

_Je ne crois pas que changer soigne l’anxiété, dit alors une femme rousse installée en face de moi.

Nazilnik n’avait pas cru bon de répondre, il esquissa seulement un sourire. Le genre de sourire qu’un maître de la supériorité, politicien, celui qui se sait contrôler la situation et ceux qui y participe, aurait pu faire.

Pour la première fois, je ne l’appréciais pas.

_Nous allons commencé la séance numéro deux, la séance « Ergo », vous allez tous être propulsé dans le système Therapist et vous aller partager un avenir, tous ensemble.

Je voulu ouvrir la bouche pour demander pourquoi, mais j’ai instantanément été envoyé dans le même tourbillon flouté que lors de la première séance.

« Qu’est-ce que… »

Nous, les cinq autres et moi, sommes arrivés dans un désert.

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_On est où ? Dit la fille rousse.

_J’en sais rien, avais-je répondu.

Mais je le savais, nous étions dans nos têtes, oui dans nos têtes. Collectivement. Le système Therapist avait mêlé nos cerveaux, nous plongeant dans un rêve collectif dont le décors avait été créé à l’avance. Pourquoi ? Je ne sais pas. Une thérapie de groupe. Comme aux dépressifs anonymes.

_C’est notre avenir ça ? demanda le plus jeune.

Le vide. Le désert. Ça correspondait bien à ma vision du futur.

_Je m’appelle Pierre, dit un vieil homme en se retournant brusquement vers moi, la main tendue.

_Victor.

Je lui serrais la main, d’un geste mole et d’une main moite.

_Louise, dit alors la rousse en répétant mon geste.

_Baptiste, dit alors le jeune de loin.

Une autre fille, brune, lui serra la main avec un sourire des plus radieux.

_Rebecca.

_Vous pensez qu’ils veulent qu’on discute ou… ?

Le jeune Baptiste semblait peu sur de lui, pas du tout en fait ;un geste nerveux de la main vers son nez, comme obligé de le toucher. Il se le grattait deux fois en quelques secondes. J’ajoute à ça un rictus presque psychotique, et une possible scoliose, son dos étant voûté à un degrés qui à ce stade le destinait à mourir avant ses soixante-ans.

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Le plus vieux, Pierre, semblait être au bout de sa vie, il avait du mal à respirer, un bruit strident, comme essoufflé, lorsqu’il essayer de prendre une inspiration ou de parler. Fumeur, de probablement au moins deux paquets par jour, grand stressé, possiblement divorcé, employé par un petit chef, dans une boîte miteuse, pour gagner un petit salaire, pour payer son appartement miteux, qu’il habite avec sa propre solitude.

Ce n’est pas beau de juger avant de connaître.

Louise avait des cernes monstres, des cheveux gras et sans forme, ternes. Un regard grave et des joues creusées ; appart tout cela elle avais l’air normale, je veux dire, elle n’avait pas l’air d’une malade. Mais le mal se cache bien sous un masque que son possesseur a lui même posé. Elle était plutôt jolie.

Rebecca, elle, avait l’air joyeuse, joyeuse avec des yeux absents, mais un sourire que seul Dieu, s’il existe encore, aurait su lui enlever. Et encore. Elle me faisait penser à quelqu’un.

_Pourquoi vous suivez Therapist ?

Je ne sais pas pourquoi j’ai demandé ça, en réalité je m’en fichais.

Personne n’osait me répondre. La tension palpable me rendait nerveux. J’ai donc parlé sans réfléchir, encore.

_Bien, commençais-je, j’ai perdu ma petite amie. A toi.

Je désignais Baptiste. Tout le monde me dévisageais.

_Comment est-ce arrivé ? Me demanda Rebecca.

Je n’avais pas envi d’en parler, je voulais juste les laisser parler, pour que je puisse simplement écouter et me taire, c’est ce que j’ai toujours préféré faire. Je ne voulais pas parler de ça. Surtout pas de ça. Mais je l’ai fait.

_Nous vivions ensemble depuis trois ans, j’étais dans mes études et, elle, elle les avait stoppé pour travailler. Naomi… Naomi voulait des enfants. Et j’en voulais aussi. Nous avons tout essayé. Nous étions jeunes mais on s’en fichais, nous voulions une vie de famille, nous nous aimions, plus que tout, plus que l’univers, Eros lui même aurait été jaloux, cela ne tenait pas comme si nous avions été

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transpercés d’une flèche, c’était bien plus que ça. Elle a appris être atteinte d’une anomalie, elle avait vingt-cinq ans. Toute jeune. La ménopause prématurée. Lorsque le médecin a prononcé ces mots, elle ne les a pas compris. Mais, quand elle a compris, ce fut fini. Son monde et le mien était en train de brûler et nous flambions avec lui. Au fil du temps, elle a développé plusieurs pathologies, elle tombait malade, ne mangeait plus, elle ne m’aimait plus comme elle m’aimait. Un soir, je l’ai trouvé étendue sur notre lit .

Morte.

Rebecca m’avait posé une main sur l’épaule. Je n’avais jamais raconté cela à personne.

_J’ai perdu mon père, dit alors Baptiste en brisant le silence.

_Je suis agoraphobe, dit alors à son tour Louise.

Pierre nous confia avoir perdu son travail, sa femme, et sa confiance.

_J’ai peur de l’avenir.

Rebecca avait les yeux Naomi, c’est là que je m’en suis rendu compte.

Nous revenions de l’avenir encore une fois, un avenir vide, sans sens. Nous avions été seuls avec nous même.

A la sortie, je sortie une cigarette. Je fumais depuis cinq jours.

Derrière moi, une voix.

_Ça vous dis un café ?

Rebecca avait vraiment des yeux magnifiques.

Elle connaissais la littérature, la politique, la science, elle avait l’intelligence de Naomi, ses yeux, sa façon de respirer. Elle buvait son café à chaque fois par un bout différent de sa tasse, afin de ne pas toucher un bout qui aurait touché ses propres lèvres. Ça aurait pu être flippant mais c’était mignon.

J’ai passé la fin de journée avec elle, j’étais sorti, j’avais une nouvelle amie.

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Nous sommes allé au musée, je n’y été pas allé depuis longtemps. Nous avons mangé dans un fast-food, ne connaissant tout deux pas très bien le quartier. Nous avons beaucoup parlé, ri… pas à un moment elle n’a parlé de mon aveu dans le système Therapist.

Au moment de la raccompagner le soir, je sentait qu’il allé se passer quelque chose.

Au moment de rentrer dans son appartement, elle s’est retourné, et m’a embrassé.

Longuement.

Je n’avais embrassé personne depuis Naomi. Et ce soir je l’embrassais, elle, son sosie imparfait.

Je sortais avec elle depuis une semaine, j’avais commencé à chercher un job, je sortais un peu plus. Elle me changeais, elle me soutenais, c’est même elle qui avait trouvé mon job à la boulangerie. J’avais même entrepris ma réinscription à l’Université.

Deux semaines séparait ma seconde séance de ma dernière. La troisième dans l’avenir. « Expect ». Plus elle arrivait, plus j’avais hâte. Therapist marchait. Même si il n’avait rien à voir là dedans, il m’avait au moins fait rencontrer celle qui m’aura fait sortir progressivement de mon état anxieux et endeuillé.

Dernière séance, j’y suis allé avec Rebecca.

_Je vois que vous vous êtes fait une nouvelle amie.

Le Docteur Nasilkil avait une drôle de tête.

_Oui, nous sommes ensemble.

Je me suis installé sous Therapist.

_Nous allons voir votre dernier avenir, votre avenir comme il devrait être.

L’erreur et la douleur est souvent nécessaire pour devenir un nouvel homme.

Je fus envoyé dans une campagne, je n’avais plus le tournis, je voyais clair, comme si c’était bel et bien réel.

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Je me suis vu avec Rebecca, psychiatre, une belle maison en ville, j’avais presque quarante-ans. Un chien. Une voiture. Une télévision. De l’argent. Un enfant. Un enfant. Un enfant. Nous avions un enfant. Il était beau. Il me ressemblait. Avait un air de sa mère. Elle était enceinte. Un enfant. Un enfant. Un enfant.

« Sortez-moi de là »

_Chéri ?

« qu’est-ce… »

Le paysage avait changé.

Je me suis retourné.

_Qu’est-ce que tu fais dehors ?

Je failli tomber.

_Naomi !

Tout redevint flou. Flou. Flou.

« Naomi…Naomi… NAOMI ! »

Je m’éveillais avec un creux dans l’estomac.

_Monsieur Dauville ?

Le docteur Nasilnik se tenait devant moi, un lampe devant mes yeux.

__Où elle est ?!

_Qui donc Monsieur Dauville ?

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_Où elle est ?!

_Il y a eu un dysfonctionnement.

_Naomi, je l’ai vu ! Ramenez-moi là-bas !

_Non monsieur Dauville, calmez-vous, comme je l’ai dit il y a eu un dysfonctionnement.

_Ramenez-moi !

_Revenez la semaine prochaine, nous recommencerons cette séance, elle sera gratuite.

_Et pourquoi serait-elle gratuite ? Vous m’avez enlevé à elle ! Encore !

Rebecca entra dans la salle, paniquée.

_Chéri, s’il te plais fait ce que dit le Docteur.

_Non !

_Victor, s’il te plais ! Pense à nous, à notre avenir, ici, toi et moi !

« Tu ne pourras jamais être elle. »

_Lâche-moi !

Elle avait lancé un regard à Nasilnik, comme pour demander ce qu’elle devait faire. Ce fus clair.

J’avais contrôlé Therapist, je ne sais comment. Le système est bien faible parfois.

J’ai laissé Rebecca. Elle avait eu un contrat avec le label, pour m’aimer, mais elle ne m’aimait pas, elle jouait, elle n’a jamais été souffrante.

Elle n’avait été qu’une copie de mon âme sœur, jusqu’à sa façon d’être. Elle avait bien fait ses devoirs.

J’ai appris plus tard que Therapist n’était pas très développé en Angleterre.

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Le nationalisme. L’homme accompli et épanoui qu’attend un pays, docile, et sain d’esprit, le cerveau en compote.

Je n’ai jamais été aussi sain d’esprit qu’après Therapist, qu’après mon retour de l’avenir, car j’y avais vu le vide, la mort, Naomi, l’horreur des hommes et la nature vicieuse du système exploitant.

J’ai accepté la mort.

J’ai accepté de la perdre.

Qu’elle ne composerait pas mon avenir, même si je le voulais.

Ce n’était qu’un rêve.

The/rapist avait violé ma cervelle.

Le mois suivant je partais en Angleterre.

THE END

 

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