La douce mélancolie et la peur étaient à la fois le fléau et l’incertitude la plus certaine de la jeune fille. Et tandis que le doute s’amplifiait en elle, ne sachant plus que faire, où aller, que penser, qui elle est ,vers qui ou quoi lutter, Lys s’endormit seule, sans savoir si elle dormait vraiment, et elle répéta l’action comme elle le faisait depuis des années. Et plus elle avait peur et plus elle devenait forte face à sa créature.
Elle se tenait debout, face à la fenêtre, quelque chose bougeait là dehors, quelque chose la fixait, l’observait. Il faisait encore noir et pourtant Lys n’était pas dans son lit, cela faisait trois jours qu’elle ne dormait pratiquement plus ; cette chose la toisait et restait là jusqu’au matin. Trois jours que Lys était là, à attendre le moment où elle pourrait surprendre la chose ; trois jours que la bête, sans un son, étudiait les mouvements vains de la jeune fille pour s’endormir ; trois jours que Lys n’osait plus s’abandonner au bras de Morphée.
Cette nuit-là, Lys, les paupières tombantes de fatigue, se mit à pleurer, elle avait les yeux bouffit par l’attente, la peau pâlie de peur, et les cils collés à ses parois oculaires tant elle avait envi de les fermer. Son seul désir était de pouvoir dormir longuement et de profiter d’un réveil au contact des rayons de soleil sur sa peau. Rien de plus. Mais il n’y avait que la lueur de la lune pleine, et elle, elle était là, cette étrange créature tapie dans l’obscure, cette image animée, déstabilisée, désordonnée, prête à bondir de sa sombre cachette. Lys se demandait qui était là à guetter ses rêves sans sa fenêtre, qui chantait silencieusement en cette nuit illuminée. Les hiboux hululent dans les arbres d’en bas, les pythies dansent sous la lune pesante. Sommeil s’est perdu. Entre le réel et le cauchemardesque, elle entendait son cri sourd, presque inaudible. Elle ne dormait pas, elle courrait, et pas à pas se rapprochait dans un silence fantomatique.
Lys se pencha sur le bord de sa fenêtre et l’ouvrit. Ce fut très courageux, mais le doute était toujours là, qu’allait-il se passer ? Elle regarda l’ombre devenue statique, elle ne bougeait plus. Lys voulu la faire partir, alors discrètement, elle murmura.
-Pssch! Eh toi vas t’en, je n’arrive pas à dormir.
La créature ne vacilla pas.
-Tu m’entends? Je t’ai dis de t’en aller.
En un clin d’œil la créature avait disparu, Lys regarda autour d’elle, sorti la tête par la fenêtre, rien, elle la referma sans faire de bruit, ses parents dormaient dans la chambre d’à côté.
“Je vais enfin pouvoir dormir” se dit-elle.
Lys pu enfin se coucher, et se reposer un peu après ses trois jours de jeun du sommeil.
Alors qu’elle commençait à s’endormir, mais une présence se fit sentir dans la pièce plongée dans le noir.
Alors que le moment de dormir était enfin arrivé pour la jeune fille, la sensation de regard pesant qu’elle sentait sur elle depuis des jours se refit plus fort encore, il n’y avait rien de pire que cette sensation obscure d’être observé ; mais plus encore le doute planait sur l’origine de ce malaise. C’est en sentant un frisson sur ses bras qu’elle avait laissés hors de la couverture que Lys alluma brusquement la lumière en se redressant sur son lit.
Il n’y avait rien. Rien dans la pièce, rien dans son lit, rien sous son lit, rien derrière elle ; elle ressentait malgré tout encore cette puissance malsaine qu’aucune fille de quinze ans ne devrait ressentir. Elle était en sueur, des sueurs froides, ses yeux fatigués avaient envi de pleurer encore, et ses muscles ankylosés se raidirent. Elle n’avait plus la force d’essayer de lutter contre une chose dont elle ne connaissait même pas la nature. Était-ce un monstre mythologique dont la seule existence n’était dû qu’à la peur persistante de la jeune fille ; ou était-ce le fruit de son imagination qui à son âge déborde, peut-être était-elle plongée dans un rêve et que ce rêve ne faisait que trop durer.
Quand on souffre de cette maladie, tout est lointain, toujours plus loin, plus de réalité, comme un voile sur l’œil.
Cela faisait déjà quelques années que son sommeil en était affecté, mais aujourd’hui plus que jamais son corps ne tenait plus. La créature a toujours été là dans le souvenir de Lys, mais jamais elle n’a été aussi proche. La jeune fille, depuis des années durantes, était devenue l’enfant triste qu’aucun parent ne souhaiterait avoir, elle était devenue tout ce qu’elle n’était pas avant ses troubles du sommeil, colérique, impulsive, fatiguée, cernée, mauvaise élève car étudier avec ce mal était devenu difficile… Elle avait incarné la mélancolie suicidaire, répulsive. Elle aimait à être cette ombre noire que les autres enfants craignaient, elle aimait à être repoussante, à entendre dans son dos le doute de ses camarades, sur sa santé mentale ; parce que finalement elle était cette chose destructrice et détruite qu’aucun enfant ne voudrait être. Si petite, si sombre, si maigre, trop fatiguée pour être la bonne amie et parler, trop apeuré, la réalité et le cauchemar se confondaient.
Lys n’a pas toujours été comme ça, et cela ses parents le regrettaient beaucoup. Sa bienveillance, sa fougue, son intelligence, sa pureté d’enfant, tout cela avait disparu en même temps que son rythme de vie sain, en même temps que ses neuf heures de sommeil, en même temps que l’amour inconditionnel qu’elle portait à ses parents. Aujourd’hui, elle ne dormait pas, et quand elle était éveillait quelque chose la regardait.
Le lendemain, Lys dormit une heure depuis le levé du jour. Ces heures de sommeil en journée était ce qui lui permettait de rester en vie. Sa mère, comme toujours, lui préparait son petit déjeuner pour aller au collège, et comme à son habitude, en voyant sa fille, elle se disait que cette horreur ne pouvait pas être d’elle. La mère, comme le père, ne savait pas pourquoi sa fille unique était devenu comme ça, elle-même ne le savait pas, Lys se doutait que cela était du à son Insomnia. C’était en réalité la seule chose dont elle était sûre et certaine en ce bas monde, elle était la proie d’une Insomnia. Encore étant petite, elle ne dormait pas beaucoup, en grandissant ses troubles s’étaient calmés, mais aujourd’hui c’était pire que tout, elle était la créature.
-Comment tu te sens aujourd’hui ma chérie? lui demanda gentiment son paternel tout en lisant son journal.
Lys trouvait son père faible. Un cliché amer du père incapable d’élever son enfant. Sa question était d’ailleurs un mécanisme quotidien dont la réponse n’avait plus la moindre importance. Elle le regarda avec un regard vitreux.
-Je ne sais pas, répondit-elle tout simplement.
“Je ne sais pas” était la réponse favorite de la jeune fille, en réalité elle ne savait jamais, elle était incapable de décision et de se sentir certaine de quoi que ce soit, même dans le cas où la question concernait directement son état actuel.
Lys avala un verre d’eau et une fraise et enfila ses chaussures. Sa mère ne l’obligea pas à manger elle savait que sa fille ne le ferait pas.
“Bonne journée ma puce! Soit gentille.” lui lança sa mère dans son dos alors que Lys partait au lycée.
La gamine roula des yeux.
Sur le chemin elle pleurait de fatigue.
Elle savait que rien n’était certain, des fois elle se disait “cet arbuste n’est pas là”, “cette personne n’existe pas” en parlant de sa mère. En fait, elle a toujours douté de l’existence des choses et plus particulièrement d’elle même dans le monde. Comment n’aurait-elle pas pu douter de sa propre réalité en ayant l’impossibilité de fermer l’œil avec une créature inconnue qui l’observe tout le soir? La créature, elle, existait.
Ce jour là, elle la dessina en classe sur une feuille de contrôle d’histoire. Elle eu une mauvaise note bien sûr, L’esprit de Lys n’était que le néant, et cela par la faute de sa créature, cela elle le savait, elle connaissait assez bien Insomnia pour savoir qu’elle était réelle. Mais réelle pour qui? pour Lys? pour le monde?
Une fois le soir arrivé, Lys pris la décision de redevenir l’enfant qu’elle était, douce et joyeuse. Elle aimait à vaincre par leur effroi les autres mais elle aimait par dessus tout sa curiosité et sa présence d’esprit d’autre fois. Elle décida alors que ce soir il n’y aurait plus d’Insomnia. Elle tuerait la créature, qui qu’elle soit. Son cerveau avait laisser trop de place à la mélancolie et à l’incertitude permanente. Si la seule chose réelle venait à disparaître, Lys serait une chose irréelle dans un monde irréel, quoi de plus vrai au final que de tous se retrouver sur le même plan?
La nuit ne tarda pas ce soir là, Lys se mis dans son lit avec un livre. Trop fatiguée, elle le reposa. Elle attendis patiemment que la créature montre son nez. Ce soir, le tourment d’une réalité trop effrayante aura enfin cessé. Elle pourra enfin dormir, rêver, et éclore à nouveau dans un monde sain dont la certitude pleine sera celle de dormir comme tout le monde dors.
Alors que la lune était ronde dehors, pas un rayon ne pénétra la chambre de la jeune Lys. Doux était l’air nocturne lorsque Lys ouvrit enfin la fenêtre.
Elle était là. L’ombre dans l’obscurité, l’ombre qui n’a pas besoin de lumière, celle qui par ses yeux vide de sens empêche les gens de dormir et d’avoir une enfance. “Comme je la hais” se disait Lys.
Elles se haussaient l’une et l’autre, l’une était la paranoïa de l’autre, l’autre enfantait le doute de l’une. Pour retrouver la paix intérieur, il fallait la tuer, Lys le croyait pertinemment. C’était le grand soir.
Lys s’approcha doucement de la fenêtre avec un lampe torche, sa peur était à son paroxysme mais c’était bien, la peur était un sentiment si grand qu’il ne fallait que ça pour motiver la jeune fille à accomplir un acte de courage tel que celui là. Sa rage envers la bête n’en sera que d’autant plus grande.
Elle aperçu les traits de sa créature face à son fenêtre, elle était plus près que jamais. Juste devant ses yeux. Elle ne saurait pas dire si elle allait tuer une bête où un mirage, mais elle allait le faire. Dans un instant, la jeune fille brandi devant elle un couteau aiguisé et l’enfonça dans l’œil de la bestiole qui, elle, ne bougea pas d’un poil.
-Crève! cria-t-elle.
La créature ne vacilla pas. Lys s’avança pour contempler la plaie.
-Tu ne peux pas dormir.
La créature parla d’une voix aussi caverneuse que murmurée. Lys fut surprise.
-Tais-toi, je ne sais pas qui tu es et en plus tu m’empêche de dormir. A cause de toi je suis constamment fatiguée, et mon cerveau refuse toute nouvelle information, je suis un cadavre ambulant coincé dans un rêve permanent.
-Tu ne dors pas et ne dormira pas.
La créature disparu en un instant dans une fumée légère qui se dissipa.
Lys eu le tournis et tomba instantanément en arrière, son corps devint lourd et des fourniments lui parcouraient les bras, elle s’évanouit en chutant.
Lorsqu’elle se réveilla elle était à l’hôpital, un médecin était en train de prendre sa température.
-Tu vas mieux Lys? lui dit-il.
Elle vu un peu moins flou.
-Oui. Que s’est il passé?
-Tu es tombé violemment sur la tête, tu es restée deux jours endormie.
En effet, Lys se sentait vivre, sa fatigue était toujours là, mais elle se sentait en meilleure forme.
-Et la créature?
Ce mot lui avait échappé, elle n’en avait jamais parlé à ses parent.
-Oui, la créature… La créature a disparu Lys, tout va bien.
Lys entendit le docteur et ses parents parler, elle avait apparemment crier toutes les nuits depuis son arrivée à l’hôpital qu’une créature la poursuivait.
-Je vais pouvoir dormir comme une personne normale? La créature est partie, elle m’a laissé? Dites moi qu ça a marché, dites moi que je l’ai vaincu, je veux vivre sans douter de tout, je veux vivre sans être fatiguée de réfléchir!
-Oui, Lys; dit sa mère; la créature n’est plus là, maintenant repose toi, nous reviendrons demain, il se fait tard.
-D’accord…
Lys vu ses parents partir, le médecin lui injecta un produit dans le bras.
-Nous parlerons de tout ça demain Lys…
Elle ne compris pas ce qu’il voulu dire. Il remplit une feuille, parla à un autre médecin tout en la regardant et s’en allant en lui jetant un “bonne nuit, dors bien” depuis le couloir déjà peu éclairé.
Lys ferma les yeux, encore fatiguée, et pensa à tout ce qu’elle avait endurait, après des nuits et des nuits dans la crainte d’une chose qu’encore aujourd’hui elle ne saurait définir, elle pouvait enfin passer une nuit saine, une nuit sûre, une nuit sans ce doute malsain d’être observé en permanence, sans ce doute persistent d’être un rêveur entrain de rêver. Lys ferma les yeux et se laissa aller au plaisir immense que procure l’endormissement, le repos extatique qui régénère et génère.
La voix éraillée, trop tendue, dépossédée; le front trop plissé, trop mûr, trop raillé; cette main languissait sur ses bras menus et sur ses poils blonds trop hérissés; la bête sous la pendule respirait régulièrement avec une monotonie décadente, il était cinq heure du matin, il était l’heure où personne ne peut s’enfuir, il était l’heure où tout le monde dors, il était l’endroit où souvent le cris était un peu trop normal. Insomnia était là, devant le lit de la jeune fille, scrutant son visage paisible qui à l’instant venait de produire une mimique faciale d’hésitation puis de répugnance.
Soudain, elle ouvrit les yeux, elle était là, elle attendait, elle voyait, elle souriait, elle existait et se confondait dans le décor ; Lys vu sa créature penchée sur son visage. Cette vision d’horreur pétrifia la jeune fille, la peur pris le dessus sur l’espoir, le doute repris le dessus sur la sensation de sécurité, et la haine repris le dessus sur tout réconforter. La Créature était là-devant elle et elle y resta jusqu’au premier rayon de soleil.