MEMORY IS A BITCH (roman SF) : chapitre 1 “La boite”

Je me souviens m’être souvent dit que le jour où je me réveillerai ne sachant pas où je suis, je serai forcément bourrée. Mais, étant intolérante à l’alcool et n’ayant pas d’occasion pour en consommer, cette théorie était, dans mon cerveau, à priori, impossible.

J’ai vingt-trois ans et ce jour, c’est ce qui arriva. Pourquoi ? Je ne sais pas. La première chose que quelqu’un comme moi se dit, c’est que quelqu’un sait forcément, en dehors des murs où on atterrit. Alors je me demande.

Savez-vous pourquoi je suis là ? Savez-vous pourquoi vous êtes là ?Savez-vous comment vous en êtes arrivé là ?Pas moi.

La première chose que j’ai discernée, avant même s’entrevoir la salle, avant même de capter la lumière rouge sous mes paupières clauses, avant même de ressentir mon corps, c’était l’odeur. Non elle n’était pas agréable. Du vomi. C’est ce qui m’a réveillé. J’avais dû avoir un sale rictus des pommettes, je sais que je fais ça quand il y a une odeur que je n’aime pas. Comme le saumon ou l’essence. Beaucoup aime l’odeur de l’essence, quelle horreur. Je sens souvent l’essence. Je sens souvent le cannabis aussi quand mon copain fume à côté de moi une simple cigarette. Le vomi, ici, n’était malheureusement pas une dysosmie.

J’ai alors ouvert les yeux. Je me rappelle bien, car ma mémoire fait partie des meilleures. En fait, j’ai surtout vu en premier une jambe avec des pompes de luxe. J’ai pensé à mon père directement, mais vous vous en fichez.

Quand je me suis levé et mon genou a craqué si fort que « pompes de luxe», qui en passant était un jeune homme peut-être de mon âge, bougea et se redressa d’un bond.

– Putain on est où ?

Vulgaire le petit. Décidément plus jeune que moi.

– Je sais pas. Je viens de me réveiller.

Il fronça les sourcils et son nez.

– Putain c’est quoi cette odeur ?

Je baissais les yeux, monsieur « pompes de luxe » avait visiblement gerbé sur ses belles chaussures. Des pompes de luxe imbibées. Un détail que mon sens olfactif a apparemment plus vite détecté que mon sens oculaire.

– Putain de merde ! Mes chaussures !

Il les retira en deux-deux en ruminant. On était déjà très proche, au niveau de voir les déjections de l’autre.

Il mit un petit temps avant d’écarquiller les yeux, regardant la pièce pour la première fois, l’information sembla monter à son petit cerveau, qu’est-ce qu’on foutait là ? Où étions-nous ? Bla bla bla. Je me suis déjà posé ces questions trente fois en cinq minutes de réveil. Mais, je pris soudain conscience d’une autre chose primordiale en le voyant tournoyer sur lui-même, les yeux rivés convulsant sur le sol… Nous n’étions pas seuls.

Les autres, qui étaient au nombre de quatre, étaient encore étendus que le sol blanc. Un carrelage froid qui devait maintenant geler les pieds déchaussés de mon colocataire. Il bougeait dans tous les sens, insupportable.

On avait eu le temps de regarder la pièce, et aucune porte. Aucune. Enfermés. On ne sait où.Je m’étais assise pour mieux réfléchir, l’autre « pompes de luxe » tournait en rond en ronchonnant dans sa barbe inexistante.

– Calme-toi.

– Comment tu veux que je me calme ?

Silence. Il s’arrêta deux secondes en plein élan.

– Tu crois qu’ils sont morts ? Fit-il en se rongeant son absence d’ongles.

J’ai sûrement roulé des yeux six fois déjà et posé ma main à quelques millimètres de la bouche de chacun, deux filles, deux garçons.

– Ils respirent, dis-je en me relevant après avoir inspecté une des deux filles.

Je n’eus même pas le temps de lui répéter de se calmer que celle-ci avait, d’un coup, ouvert de grands yeux bleus. Paniquée, cette conne me balança un coup dans le ventre, pile entre l’estomac et l’intestin. Je suis tombée de douleur tellement elle avait du punch. Elle s’est relevée et m’a toisé en train de l’insulter.

– Oh mon dieu désolée ! Désolée ! Désolée !

Elle n’arrêtait pas de le répété. En plus d’un mal de ventre, elle allait me donner un mal de crâne.

– C’est bon j’ai compris, t’es désolée, c’est rien… dis-je en saisissant sa main pour me remettre sur pied.

– Je t’assure, je voulais pas, désolée, excuse-moi…

– Oui on est enfermés. Ça fait une heure qu’on est là, toi tu pionces, et on trouve pas de putain de portes !

Quel con.

Rebelote. Mais quand elle réalisa, elle ne s’énerva pas, comme l’autre gland. Non… Ses yeux commencèrent à partir en sucette.

– Qu…qu…qu…où…mais…je…vous…

Elle commença à suffoquer, à devenir incohérence. Je me suis rapproché d’elle, à genoux, sans la toucher car ça pouvait être deux choses : une crise d’asthme ou une crise de panique. Second cas étant possible, je ne la touche pas.

– Reste tranquille… On est là, tout va bien, calmmmme… Tu es asthmatique ?

Elle secoua la tête de bas en haut et un peu en tourbillon.

–- Merde , avais-je marmonné à monsieur « pompes de luxe imbibées de vomi ».

La petite, qui semblait être bien jeune, un peu moins de 20 ans je dirais, se faisait tanguer d’avant en arrière, mains entourant ses frêles jambes.

– Ok, comment tu t-appelles ?

Ses yeux expressifs se demandaient où je voulais en venir.

– A-Amanda…

– Amanda, écoute moi bien. On va sortir de là, je te le promet. On va trouver une solution, mais avant tout il faut que tu te calmes.

– Elle a besoin de Ventoline.

La voix était inconnue, je me retourna et vu une des belles au bois dormant bien réveillée, debout derrière moi. Un garçon d’approximativement deux mètres. Maigre comme pas possible. Si on va dans le cliché c’est un nerd ou Ana qui a frappé.

– Je sais, je ne suis pas stupide.

– On est où ? Demanda-t-il avec un accent bourge.

– On est enfermés, voilà !

Elle se mis à chialer en faisant des bruits de truie qu’on égorge.

Il commence vraiment à me taper sur le système « pompes de luxe ».

Amanda s’était calmé après une bonne demie-heure, les yeux fermées contre mon torse. J’expliquais en chuchotant à notre nerd national que « pompe de luxe » et moi n’avions trouvé aucune sortie.

– …Seulement quatre murs, deux rouge, deux blanc.

– Et ça ? Dit-il en montrant un côté de la pièce, peint de blanc, tout en longueur.

J’avais en effet remarqué ce qui n’était pas un détail. Des boites, les unes à côté des autres. En métal. Et une espèce de lumière fixe rouge accrochée au mur au dessus. Il bougea son doigts dans leur direction.

– Il y en a vingt-sept. Tu crois que c’est une caméra en haut ?

J’y avais pas pensé. Ma paranoïa habituelle m’avait-elle quitté avec la sensation d’urgence ?

– Je sais pas mais tu vas voir ce que je vais faire à ces enculés !

« Pompes de luxe » entreprit de sauter sur l’une des caisse et d’arracher la « caméra » mais il retomba comme un moucheron sur le sol sans faire trop de boucan.

– Tu peux arrêter deux secondes de bouger dans tous les sens… euh… Je ne me souviens plus de ton nom…

– T’as pas pris la peine de me le demander.

En effet. Je me senti mal à l’aise à se moment, même, après avoir réaliser que, finalement, lui non plus.

– C’est Tony. Anthony. Mais appelle moi Tony.

Je demandais alors à notre génie son petit nom d’un regard.

– Michael. Et toi ?

– Willa.

Les deux autres immergèrent presque en même temps.

La première fut Olive. Un fort accent hispanique et un teint noisette. Des cheveux rouges comme la braise, à son image, j’aime à dire. Un dragon qui quand il s’éveille crache son feu sur tout ce qui bouge. Elle avait, en se levant comme si de rien était, arraché quelques mots tranchés au couteau en espagnol et avait fait le tour de la pièce en tapant sur les murs comme pour trouver l’endroit où ça sonnerait creux mais en faisant la tentative tous les dix mètres. On n’a rien dit. La peur de brûler.

Le dernier du lot était Daniel. Mâte de peau, un casque sur les oreilles mais rien au bout du fil. Ses lunettes avaient volé, c’est la première qu’il fit, tâter son nez. Michael les lui a rendu. Malheureusement fêlées. Lui-même en portait mais elles n’avaient rien. Daniel était étonnement calme, et très intéressé par les boites métalliques. Il les touchait nerveusement, remontant toutes les cinq secondes ses verres cassés.

– Elles sont faites en argent, intéressant.

– En quoi c’est intéressant que ces putain de boites soient faites en argent ?

Tony ou la délicatesse.

– Quelqu’un s’est embêté à faire ces boites en argent et pas en bois. L’argent est le meilleur métal conducteur d’électricité. Elles n’ont pas de serrure. Et leur système d’ouverture semble similaire à une entrée CD Rom pour console. Le voyant rouge en haut n’est pour moi pas, en tous cas pas seulement si ça l’est, une caméra, mais un voyant d’allumage qui signifie que les boites sont connectées et peuvent s’ouvrir. Mais pas par nous.

Ok je réitère Michael n’est pas le nerd, c’est Daniel le nerd. Tony, épris d’une bougeotte qu’il n’avait pas quitté, hocha la tête dans de grand mouvement avant de taper contre l’une des boites, d’argent.

– Bordel ! Je supporte pas être enfermé !

– Tu es claustrophobe, Tony ?

Amanda avait ouvert ses grands yeux et le regardait innocemment d’en bas. Ses cheveux, d’une blancheur sans nom, pendait sur ses joues. 

– Non, j’aime pas être enfermé !

– Faut pas avoir honte. Je suis asthmatique et phobique sociale, faut accepté ce que tu es avec leur vrais termes.

– Ta gueule, balança-t-il en posant pour la première fois son cul par terre.

– J’ai envi de pisser.

Je sais pas pourquoi je l’ai sorti maintenant mais ça me semblait important. De savoir comment on allait pisser. En fait, maintenant qu’il le disait, je sentais l’envie monter. 

– Et moi j’ai envi d’en cramer une. Bordel, j’ai toujours mes cigarettes sur moi.

Olive était affalée sur le sol, tapotant pour la millième fois ses poches vides, le front collé au plafond bien trop haut.

– On va crever ici.

Amanda dégagea son corps de mes bras et se mis à trembler et pleurer, encore.

Soudain, la lumière se mis à vaciller. Créant des rayons rougeâtre dans toute la pièce rectangulaire. On s’était tous levés, même Olive, craignant le pire comme le meilleur. Le voyant rouge sur le mur se mis à clignoter une fois puis deux fois et un bruit comme un léger klaxon résonna aux quatre coins. Finalement le pire repris le pas quand tout redevint normal.

À une exception près.

La première boite, teintée du chiffre « 1 », venait, dans un fumée dense, de s’ouvrir. 

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