Ses mains se mirent à transpirer. Grande Jade demanda son chemin et arriva en urgence devant la salle du crématorium où les corps qui étaient destinés à la crémation dans les prochains jours devaient être emmenés.
– Jade Shepherd, ai-je engagé à la femme d’accueil, essoufflée, je viens voir un corps, ma famille est sûrement déjà à l’intérieur.
– Pour madame Era Shepherd Lighters, c’est bien cela ?
– Oui.
La grosse femme regardait sur son ordinateur par-dessus ses lunettes.
– Oui votre famille tutrice est déjà à l’intérieur. Veuillez me redonner votre matricule, votre maître de fusion et passer votre puce sur le capteur juste ici.
Je me voyais dans le revers de la caméra installée juste au-dessus du bureau. Je suais, c’était ignoble.
– J4235, Jade Shepherd, Implantée du Docteur Harrisson au centre de fusions de Waterim.
Maintenant, le capteur.
– Bien, votre Implant est à jour, j’ai enregistré votre arrivée, ça sera la salle 1409, n’oubliez pas de flasher en sortant, merci.
– Merci à vous.
Même si j’avais eu le choix, j’avoue que venir ici ne m’emballais pas. La pièce satinée en bois était quand même un peu plus accueillante que le reste de l’hosto. Quand j’entrais dans la sallen j’y vis un grand cercueil rosâtre entreposé au centre de la pièce. Ross, Rorry, Elogé, Elisea, Flore et son cousin Jackson autour de celui-ci.
Rorry, ce grand blondinet, mon frère par tutelle, vingt-cinq ans, tenait la main morte de la femme morte qui fut il y a quelques heures encore sa mère. Je me suis approché sur la pointe des pieds, pour pas me faire remarquer. Non pas pour ne pas troubler un repos qui ne peut pas l’être, mais pour ne pas troubler la peine de ceux qui le contemplent pour la dernière fois.
Ross Shepherd, des rides marqués par la dépression et une larme sur la joue, avait regardé sa fille qui ne l’était pas entrer. Ils restèrent comme cela peut être pendant une demi-heure. Alors qu’un homme vint à eux pour parler administratif, Flore et les deux enfants de la défunte sortaient du crématorium, un bras sous l’autre.
– Où est Gael ? Demandais-je discrètement à mon cousin Jackson, d’un an mon aîné, alors qu’il s’apprêtait à suivre sa mère à l’extérieur.
– Dehors, il n’a pas osé venir, ce qui apparemment n’est pas ton cas.
Grande Jade le suivi à l’extérieur, jetant un dernier regard à Ross, au cercueil, et à cette pièce dans laquelle dans quelques jours elle reviendrait, pour un dernier au revoir. À l’extérieur, Jackson et son frère par tutelle fumaient une clope ensemble, Grande Jade que je suis les avait rejoint.
Gael en donna une à sa cousine, moi, et me l’alluma.
– Sale journée hein ?
– Ça ne peut pas être pire.
Rorry et Elisea étaient assis sur un banc avec leur tante, en face de nous trois. Le soleil frappait les visages. La tante Flore vint nous rejoindre.
– File-m’en une, Gael.
– Ça te tuera maman.
– C’est de mauvais goût pour aujourd’hui ça, dit-elle en allumant la cigarette de son fils.
– Comment ils vont ? Flore avait levé un sourcil face à ma demande.
– Mal, évidemment. Era allait mieux cette dernière année. Alors, faut pas trop leur en vouloir s’ils sont un peu déboussolés et sur les nerfs.
– Je ne leur en veut pas.
Flore calma le ton et regarda tendrement sa nièce tandis que je baissais les yeux, en signe d’humilité.
– Tu n’y es pour rien, Jade.
« Ça faisait plaisir de l’entendre »
– J’ai l’impression d’être un parasite.
– Elle t’aimait.
– Mais eux non.
– Elle n’aurait jamais voulu ça.
Grande Jade avait enroulé son élastique autour de ses doigts rouges.
– Quand j’ai eu Gael, commença la tante, en regardant ce dernier, quand je l’ai vu pour la première fois, bon dieu, j’étais pas pour, vraiment pas. L’amour fait faire des choses bizarres. J’ai perdu mes deux ovaires, ce n’est pas une chose facile quand on veut encore des enfants. Nous avions déjà Jackson. Je me sentais pas prête à en aimer un autre. Mais, nous avons eu Gael, avec ton oncle, je peux te dire que j’ai eu du mal à l’accepter, tu as dû t’en rendre compte.
– Oui.
Une fois, alors que j’étais chez eux en vacances, je me suis rendu compte du peu d’amour que portait Flore pour son fils. Elle fermait les volets de la maison, à clé la chambre de Gael, à la piscine quand il avait le droit de sortir, il portait un t-shirt, ce n’est que plus tard que j’ai su pourquoi.
– Et avoir un Implanté, c’était une idée de El’, non moi, pour moi c’était inconcevable. Ma famille, comme celle de ton oncle du Nord, le frère de Ross, tu sais, elle avait été une des premières à vivre à Waterim. Nous n’avions jamais même approuvé leur connerie d’implant et de puce. Alors, un Implanté !
Elle prit une bouffée sur sa Marlboro.
– On ferait tout pour son enfant, et Gael est devenu le mien. Ross t’aime aussi, ça va être dur pendant quelques jours, mais il redeviendra rationnel. Tu n’es pas responsable. Aucun de vous deux ne l’est.
Gael n’a pas de cadeau à son anniversaire de sa part, son enfant biologique, au moins six.
– J’aime mes enfants à part égale. Et Implanté ou non, Gael est mon gosse, c’est pas lui qui a demandé à ses cons du gouvernement de tuer Era. Pareil pour toi.
Tuer Era, personne ne l’avait encore dit comme ça.
– Elle était malade, c’était une cible facile.
– Quand le mouchard est enlevé du corps ?
– Oh, ils l’enlèveront et l’enverront au centre de gestion avant crémation.
– Et un nouveau toi naîtra, lança Jackson.
Sa mère lui donna un coup de coude violent.
– Ferme la toi.
– Avec ce qu’ils recueilleront avec son implant, ils pourront avancer sur sa maladie, dit Gael qui écrasa sa cigarette sur le sol.
– Tu parles ! Ça fait des années que ce truc est actif, ils auraient déjà trouvé depuis le temps.
J’imita alors mon cousin et tenta de calmer le jeu :
– Je suis sûre qu’ils y travaillent.
– Bien sûr, ri sa tante en rejoignant son neveu et sa nièce.
Ross et Elogé sortaient au même moment et chacun fit signe à leur fratrie de les suivre. Je fis un câlin à Gael lui fit signe de l’appeler plus tard.
On crée de nouveaux Hommes, mais on ne sait pas guérir la leucémie.