IDENTICAL V2 (fiction cyberpunk) : chapitre 7, “666”

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Liemers, résidence Lighters.

Peu le savait, appart ceux qui savent tout, ceux aux Gestions, mais Era et Ross étaient séparés depuis maintenant trois longues années. Différents irréconciliables. D’après le motif du divorce. 

Aujourd’hui, comme depuis des années, cette procédure était devenue bien moins longue et plus coûteuse. Beaucoup ne se mariaient simplement plus. Ross habitait Coraïla, une ville au monochrome de gris. Elle, elle vivait à Liemers, dans leur maison. Les enfants allaient à l’école dans la même ville. C’est pourquoi Ross ne voyait ses enfants que le week-end, quand ceux-ci voulaient bien y aller. 

Ce jour-là, entrer dans la maison qui avait été la sienne rendit Ross nostalgique. Puis triste. Ils avaient tant partagé ici. Et maintenant, c’était fini. Bien que ce l’eut été il y à déjà des années. 

– Prenez le minimum pour l’instant. 

Les enfants peinaient à accomplir cette tâche. Moi aussi, d’ailleurs. Quand je pénétrais dans cette grande chambre violacée qui fut la mienne, je ne pouvais m’empêcher de me dire “je ne reviendrais jamais ici”. J’essayais de ne pas trop passer mes mains moites sur tout le mobilier, mais quelques traces subsistaient sur le bois laqué. Je remplis une valise de vêtements, avec plusieurs piles qui étaient par terre. Je pris aussi des papiers, mes trucs administratifs d’Implanté et mon appareil photo dans lequel je stockais mes souvenirs. Quelques-uns avec Era, d’ailleurs.  

Ross était en train de récupérer plein d’objets divers et variés dans le salon quand je vins le rejoindre. Des objets qu’il avait abandonnés jadis, comme le reste de sa famille en réalité. 

-Je ne voulais pas que ça se passe comme ça, dit-il en sentant la présence de l’Implanté derrière lui. 

– Je sais. 

Il se retourna vers moi. 

– Je n’ai jamais eu l’occasion de lui dire tout mon amour. 

Coraïla, Résidence Shepherd. 

On arrivait pour dix-neuf heures. À la porte d’entrée, une femme attendait alors que la voiture se garait dans l’allée printanière. Le soleil couchant frappant contre la demeure entièrement vitrée d’une multitude de rayons orangers. Elle tenait un bébé dans les bras. Le fils de Ross. Son autre fils. 

– Bonsoir chérie, dit-il en embrassant sa nouvelle femme et son nouveau fils. 

– Il est tard, répondait la femme avec une voix stridente et pédante.

– Je sais, nous sommes passés à la maison pour prendre leurs affaires. 

– Claude te voulait pour sa sieste. 

Il fit entrer les enfants, et aucun d’eux ne salua la-dite femme. Sauf moi (pourquoi ?),je lui ai accordé un signe de tête. C’est mieux que rien. 

Le lendemain, on devait quand même aller à l’école. Dans notre pays, Waterim, les jours de congés pour décès n’existent plus. Je sais ce que vous vous dites “mais quoiiiii” mais si, comme la mort n’est plus forcément un tabou, on considère que le deuil est plus court. 

Je prenais la navette pour aller à la faculté d’astronomie où je m’étais inscrite. J’y allais avec mon frère et mes deux cousins. Aujourd’hui n’était pas comme les autres, personne ne parlait, tous assis sur nos sièges qui grattent, sans même se regarder. 

Elisea descendait au collège et embrassait son frère avant de sortir de la navette. Je regardais avec un regard fuyant Rorry, accroché à la fenêtre, comme accroché à sa solitude qu’il souhaitait préserver. Il n’aurait jamais dû aller en cours aujourd’hui, sa mère était morte ; mais depuis que ce genre de congé, congé de deuil, un congé qui a toujours été valable dans la morale des gens, a été formellement interdit dans toute enceinte scolaire, plus aucun élève n’osait pleurer leurs parents seuls chez eux et allaient en cours, comme les autres, comme un jour normal. 

La navette s’arrêta et tous les étudiants descendirent dans un brouhaha, sauf ces quatre là, nous. Rorry allait à l’école SAG, Sports And Gain, afin de devenir entraîneur sportif spécialisé dans la natation. Il nous fit un signe de main peu intéressé et alla rejoindre ses nombreux amis qui l’attendaient, ainsi que sa copine Gawellna, qui en le voyant lui sauta dessus pour lui demandé comment il allait. 

Le campus était gigantesque, on avait fait des facs un complexe d’éducation où tous les étudiants étaient concentré, sûrement pour minimiser la place que prenaient autrefois les universités. À côté de moi, Gael et Jackson, les enfants d’Elogé, le frère de ma tutrice dont j’ai déjà parlé un peu plus tôt. Ils avaient le même âge, vingt-trois ans, mais ils n’étaient pas plus frères que je ne suis la sœur de Rorry et Elisea. 

Jackson nous quitta, allant en fac de psychologie, où il était allé par défaut. Il dit à son frère par tutelle qu’il lui enverrait un message après les cours. Gael et moi sommes resté un petit peu ensemble.

Nous nous comprenions, nous étions ses mêmes parasites. 

Il était moi version masculine. Sans doute le seul qui me connaissait un petit peu. Mon cousin, mais aussi un frère, en quelque sorte. 

– Rorry ne t’en voudra pas longtemps, m’avait-il dit, il comprendra que tu n’y es pour rien. 

– Je n’en suis pas sûre. 

– Tu n’as rien fait. 

– Ce n’est pas lui qui m’en veut le plus, Elisea ne me parle pas. 

– Elle est jeune, elle aussi elle comprendra, nous n’avons rien à voir là-dedans. 

Il avait raison. Nous n’avions pas tué Era. Mais c’était tout comme. Si votre mère, ou un parent, mourrait prématurément, et cela, pour le simple fait de donner la vie à quelqu’un d’autre, comment réagiriez-vous ? 

La vie est censée être naturelle, mais nous n’étions pas nés naturellement. La mort est censée l’être aussi, mais Era avait encore de beaux jours à vivre, elle allait mieux. En fait, elle avait bien combattu, mais quelqu’un d’autre en avait décidé autrement. Elle n’est pas la seule ni la dernière à qui la vie a été arrachée pour faire vivre des êtres inhumains que personne n’aime. Ces parasites presque identiques à des humains. Presque. 

Et moi, j’étais de ceux-là.

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